Interviste & Articoli


La mort lui va si bien
Récital au Pin-Galant
16 Decembre 1997

Avec les années, la mèche blanche, qui contrastait avec sa chevelure noire, commence à se fondre dans une masse argentée. Le visage empreint de sagesse, Ruggero Raimondi possède un regard enveloppant baigné d'une profondeur sereine. On peut y lire la lucidité d'un homme pourtant en quête d'idéal, à l'image du personnage de Don Quichotte dont il sera question dans la première partie du programme qu'il interprétera ce soir, accompagné au piano par Ann Beckmann, avec les mélodies de Jaques Ibert et Maurice Ravel écrites sur le mythe de Cervantès.
"La vie est faite aujourd'hui de tant de matérialisme, qu'un esprit supérieur comme Don Quichotte pourrait répondre à une nécessité actuelle" - dit-il.
Ce personnage, façonné par le rêve et l'espoir et dont le besoin d'absolu durera jusqu'à la mort, Ruggero Raimondi l'a incarné, sur scène, dans le "Don Quichotte" de Massenet. Il sait être aussi le Boris Godounov de Moussorgsky dont il interprétera la mort, celle-ci bien plus âpre et douloureuse. Du compositeur russe, il donnera également les "Chants et danses de la mort".
"Par la façon dont il traite la mort dans ce recueil de mélodies, Moussorgsky en fait plus une amie qu'une ennemie. Il en donne une vision plus orientale que catholique"- explique Ruggero Raimondi. "Ça me rappelle cette histoire d'un homme très méchant qui durant toute sa vie avait fait des choses épouvantables. Lorsqu'il meurt, il se trouve bien sûr en enfer. Là, alors qu'une musique splendide se fait entendre, une fille très belle l'acueille et lui demande simplement ce qu'il veut faire, lui proposant de se baigner ou d'aller jouer au golf en charmante compagnie. Très étonné, il va, il s'amuse. Puis, au détour d'un couloir, baissant les yeux, il découvre des gens qui sont torturés aux milieu des flammes. Inqiuet,il se retourne et demande: qu'est-ce que'est? entre nous, lui répond-on, vous savez, ce sont les catholiques, ils aiment ça."

MORT ET RENAISSANCE
Cet humour n'a rien d'anodin et dévoile un artiste que l'idée de la mort, sans le faire sourire, n'encombre pas, peut-être aussi parce qu'à l'opéra elle lui va si bien. Le Don Giovanni, et la relation équivoque que celui-ci entretient avec elle, que Ruggero Raimondi joua à l'écran au début des années 80, devant la camera de Joseph Losey, en est un exemple.
"La question de la mort, je me la pose depuis longtemps. je suis arrivé à la conclusion qu'elle aboutissait à une renaissance dans dans une autre dimension. Ce-pendant, je ne peux l'expliquer, c'est une question à laquelle personne ne peut répondre. Je suis sûr qu'il y a un après. Comment ou quoi, je ne sais pas. Cela me donne une gramde curiosité mais pas une curiosité malsaine. Je veux vivre longuement sur cette terre."
"Disons, que le n'ai pas peur de la mort mais plutôt de la façon dont on peut mourir. En s'endormant, cela me semble la façon la plus belle de partir."
Sur scène, la mort, le baryton peut la subir ou la provoquer mais ses personnages la sèment aussi parfois. Iago d'Otello de Verdi, qu'il a inscrit depuis peu à son répertoire, est de ceux-là. Et bien qu'il projette deux prises de rôle, dont celle de Simon Boccanegra de Verdi, Ruggero Raimondi estime avoir presque fait le tour de ce qu'il est en mesure de chanter:
"J'ai toujours fait ce qui m'intéressait. Aussi, il y a certains personnages que je n'ai plus envie de jouer, comme Don Giovanni, à moins que le travail d'un metteur en scène m'en offre une vision différente. J'attends une mise en scène qui me chatouille."

Roch Bertrand



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